Famille

 MOULOIZE-AUBRY



Maryse Mouloize-Aubry en mars 2013
Photos non libres de droits
 contacter la SRHM

Maryse Mouloize pose devant les murs à pêches
Adrienne Berson à l'entrée de la maison Mouloize à Chamoux (la plus ancienne photo de la famille)



Les deux parcelles du 24 rue Danton sous la neige, vues du 1er étage de la maison.
A droite, le fruitier.
Au centre le puits sous le tilleul.

Claude-Mary Mouloize et sa petite fille maryse
Les vingt ans de maryse

Avoir vingt ans dans les murs à pêches de Montreuil

Pour ce deuxième numéro 2013 du bulletin, ce sont Maryse (née Mouloize) et Jean Aubry, les parents de notre vice-président et photographe, Olivier, qui ont accepté de nous livrer quelques souvenirs.

Ce n'est pas par hasard qu'Olivier Aubry est membre actif de la SRHM, mais parce qu'il porte un attachement viscéral à l'histoire de sa ville et au paysage montreuillois dans lequel se situent ses racines.


Mais sa généalogie n'est pas si facile à retrouver, même par sa maman, Maryse, qui nous dit faire partie d'une famille de "taiseux" "On ne nous disait rien. Il y avait sans doute des fâcheries entre les uns et les autres. Parfois, ce n'est qu'en lisant des faire-part de décès où figuraient en détail tous les membres de la famille, que je découvrais des liens de parenté avec des personnes que je connaissais à Montreuil. Et on avait la fâcheuse habitude d'appeler les gens par d'autres prénoms que les leurs. Une de mes tantes qu'on appelait Euphrasie s'appelait en réalité  Eugénie ... allez vous y retrouver !".

De source sûre, la famille Mouloize est originaire de l'Yonne (région d'Avalon) où vivait l'arrière-grand père de Maryse, Pierre Mouloize. Il était charron et agriculteur à Chamoux mais ses biens ont été saisis et vendus en adjudication en 1873. La famille s'est retrouvée sans ressources. Rien d'étonnant, donc, à ce que les enfants de Pierre quittent le territoire pour rejoindre Montreuil.
Jeanne-Euphrasie Mouloize,
 née Berson
Claude-Mary Mouloize et son fils Eugène Gabrielle et Eugène Mouloize et leur fils René à la cueillette du lilas Gabrielle Mouloize, mère de Maryse
Claude-Mary Mouloize et son fils Eugène, aux halles de Paris en 1907  Jeanne-Euphrasie Mouloize
au carreau des halles de Paris
Les grands-parents maternels de Maryse, Charlotte et Alexandre Lefèvre, aux halles Gabrielle Mouloize devant les paniers de transport des fleurs


C'est le cas pour Claude-Mary (1865-1943), le grand-père de Maryse, qui disait à ses petits-enfants :
"quand je suis arrivé à Montreuil, je n'avais rien et c'est ma sœur qui m'a d'abord hébergé.". On sait que la population de Montreuil se renforce, au 19è et début du 20è siècle, de beaucoup de personnes venues de l'Yonne et de Bourgogne ... nécessité d'aller chercher le travail où il se trouve, près de la capitale, avec la possibilité de garder son métier de la terre, et la notoriété de Montreuil attirait du monde.


En 1888, il se marie avec Jeanne-Euphrasie Berson.

Les Berson font partie des familles célèbres à Montreuil et des liens de parenté les unissent à d'autres familles connues : Jean, le frère de Jeanne-Euphasie, a épousé une Savard (Félicie, née en 1865) Et la grand-mère de notre président d'honneur André Patureau est aussi une Berson (Pauline, née en 1879).

C'est probablement après son mariage que Claude-Mary rejoint Montreuil, "sans rien", comme il le disait, ... sauf son outil de travail, son tour à bois, car il est charron et agriculteur comme son père.

Il s'installe bientôt dans une maison au 30 rue de Rosny et achète petit à petit des terrains cultivables un peu partout dans Montreuil : rue des néfliers, rue Paul Signac, rue de la ferme, rue des bacottes, rue Saint-Antoine, rue du moulin de la tour (actuelle rue de la nouvelle France). Parmi les vendeurs, des noms familiers à Montreuil : les Savart, Préaux, etc. Par un travail acharné, il constitue un patrimoine qui lui permettra de s'assurer une vieillesse confortable.

Comme tous les agriculteurs de Montreuil, Claude-Mary cultive des arbres fruitiers et des fleurs, des gypsophiles, dahlias, chrysanthèmes, œillets, lilas, et vend sa production aux Halles de Paris.

En 1910, il achète une maison au 24 rue Danton, puis au 23 et c'est son fils Eugène, qui occupe le 24.


Eugène (1894-1956), le père de Maryse, prend le relais de l'exploitation, se marie avec Gabrielle Lefèvre (1900-1956), fille de maraicher montreuillois, et travaille aussi à mi-temps comme fontainier pour le service des eaux.

Au foyer, c'est Gabrielle qui "tient les rennes" et s'occupe principalement de l'exploitation. la petite Maryse nait en 1930. "on dit que je suis née dans un panier de narcisses, car mamère en cueillait au moment où elle a accouché".

Dès sa naissance, Maryse est confiée pendant deux ans à unetante qui habite à la frontière belge ... "le travail ne laissait probablement pas de temps pour s'occuper des enfants. Il était courant, à l'époque, de confier les enfants à des nourrices", dit Maryse.


"Ma mère était une maîtresse femme, autoritaire. C'est elle qui surveillait nos devoirs et s'occupait de nous. Certains se souviennent peut-être

encore de l'avoir vue emmener des groupes d'enfants à la piscine, jusqu'à soixante en même temps. Nous allions à la piscine de la "butte aux cailles", dans le 13e arrondissement de Paris, et on entendait son sifflet de loin !

" Mon enfance ? ... on passait nos soirées d'hiver à préparer des sacs pour ensacher les fruits. D'abord on coupait les deux coins du bas en biais pour que l'eau puisse s'écouler si elle rentrait à l'intérieur du sac. Puis on froissait le sac, on lui donnait une forme et on passait l'élastique en haut. Ensuite, on rabattait la collerette. On les empilait par paquets de cent. Ma mère était experte, capable de poser mille sacs à l'heure! Elle prenait dix sacs d'un coup et les enfilait sur les fruits l'un après l'autre à la vitesse de l'éclair.

J'aimais bien quand on me disait d'aller cueillir des œillets, ça sentait si bon ! 

Mais il fallait aussi préparer les cagettes pour vendre les fruits aux halles. On mettait d'abord une feuille de papier au fond, puis une couche de frison et du papier de soie par dessus. Sur les cotés, encore du papier de soie plié en quatre.

On allait dans le fruitier où les fruits étaient stockés sur clayettes pour choisir les plus mûrs et on les plaçait dans la cagette. On ajoutait du papier de soie plié en quatre entre chaque rangée, et dans l'autre sens on plaçait un petit galet rond fait d'un bourrelet de papier de soie entre chaque fruit.

Ensuite, on protégeait dessus, comme pour le dessous et on fermait la cagette qui partait aux halles. Les fruits étaient vendus par cagettes, notamment  à de grandes épiceries.

L'hiver, mon père laissait une lampe de 100 Watts allumée dans le fruitier ... ça suffisait à maintenir les fruits hors gel.

Les fleurs, elles, étaient placées dans de grands paniers, et c'est un gars de Rosny qui récupérait les paniers de tout le monde et les emportait aux halles. On retrouvait nos paniers là-bas.


On faisait aussi le rond à la Montreuil, une présentation pour les pêches et les pommes, toujours avec du papier de soie et du frison. En général le rond n'avait qu'un seul étage, mais parfois on faisait une petite pyramide. On emballait le tout dans un papier blanc aux angles relevés et rassemblés. Cette présentation servait pour offrir.


Toute cette partie là, c'est ma mère qui s'en occupait ainsi que de la taille des pommiers. Mon père, lui, s'occupait de la taille des autres arbres fruitiers. Il faisait aussi du marquage, mais très peu, juste pour quelques cadeaux. Ce n'était pas pour les marquer qu'on ensachait les fruits ; avant tout, c'était pour les protéger des maladies et des insectes ravageurs.

Dans le bas de la rue Danton, il y avait une coopérative. On y trouvait tout le matériel dont on avait besoin, y compris les pochoirs.


A l'époque, on avait pas de liberté comme maintenant. Ma mère m'accompagnait partout. Au mois de mai, on allait cueillir du muguet à la mer de sable ou à Gretz. Si j'allais au bal, ma mère était là pour me surveiller. J'avais des prétendants, mais, à ses yeux, ce n'était jamais le bon ! L'un avait fait les beaux-arts, un autre était sculpteur ..."ce n'est pas un métier, çà" disait-elle. Quand j'avais vingt ans, elle ouvrait encore mon courrier, ce qui lui permettait d'avoir les adresses pour répondre à mes prétendants et les éconduire.

Mais la piscine m'a porté chance. C'est là que j'ai rencontré mon mari, et il a trouvé grâce aux yeux de ma mère. Pourtant, nous avions participé ensemble à un relais en piscine et nous étions partis dans le sens opposé ... "ces deux là, ils ne sont pas près de se rencontrer", avait-on dit !


Dans les années 50, Gabrielle tombe gravement malade. Son mari Eugène ne peut pas gérer seul l'exploitation mais son fils ainé, René, a déjà choisi une autre voie et sa fille Maryse consacre tout son temps à soigner sa maman.

Eugène privilégie alors son travail de fontainier et vend petit à petit une partie de ses biens.

Gabrielle décède en 1956, suivie de près par Eugène la même année.

L'aventure  horticole des Mouloize s'arrête avec eux.

Jean Aubry et Maryse Mouloize
 le jour de leur mariage
Jean-Pascal, Olivier et Emmanuel Aubry dans le jardin de la rue Danton en 1966 Olivier et Jean-Pascal Aubry
à l'école Danton en 1964
Maryse Mouloize et sa nièce Martine Raveau dans le jardin du 24 rue Danton.
Au premier plan, des poiriers palissés.


Maryse avait fait des études de kinésithérapeute et elle exerce son métier quelques temps. Puis elle élève ses trois garçons, Jean-Pascal, Olivier et Emmanuel.


Jean Aubry, son mari, bien qu'intéressé par les arbres fruitiers, n'est pas du "métier". Il est d'abord manutentionnaire à Romainville, puis reprend courageusement ses études et devient ingénieur chimiste.

"un jour, j'ai déterré un prunier “reine Claude” pour le déplacer, mais il était en fleurs ... ça ne m'a pas arrêté ! Un voisin, professeur au lycée d'horticulture, m'observait, l'air réprobateur. Mais le prunier nous a donné de beaux fruits dès la saison suivante".


La famille Aubry habite la maison du 24 rue Danton. En 1968, suite à une opportunité professionnelle, elle déménage à Dreux . Puis Jean termine sa carrière comme directeur d'une usine à Aramon dans le Gard.


Mais, le terroir familial n'est pas pour autant oublié et, excepté Jean-Pascal qui reste dans le Sud, chacun se rapproche à nouveau de Montreuil.

Maryse et Jean vivent maintenant leur retraite à Pantin.

Emmanuel, le fils cadet, habite Paris.

Olivier est revenu sur Paris en 1990 et a pu récupérer, en 1996, le dernier terrain familial, rue de la nouvelle France, où il vit toujours avec sa famille.

Quant à l'oncle René, après avoir occupé une maison construite sur un terrain familial rue Paul Signac, il quitte Montreuil pour l'Indre et loir dans les années 80, non sans emporter dans ses bagages quelques souches montreuilloises de pommiers et autres fruitiers !

Propos recueillis par Sylvie Chiquer en mars 2013

La famille Aubry en 1998 Maryse et Jean Aubry interviewés par Sylvie Chiquer en mars 2013