Plusieurs bonnes raisons justifient que nous parlions
de Laurent Chatelain. D'abord, nous partageons une passion
commune, les arbres fruitiers. Ensuite, il exerce un métier qu'il nous semble
intéressant de connaître un peu mieux, celui de pépiniériste.
Et vous aurez déjà remarqué qu'il nous soutient depuis
longtemps en publiant une annonce dans ce bulletin.
Lorsque j'ai pris rendez-vous avec Laurent Chatelain
pour l'interview et que je lui ai demandé de préparer quelques photos, il m'a
répondu en plaisantant "ici, on ne se prend pas en photo, on bosse
!". Le cadre était posé !
Et lorsque nous sommes arrivés au Thillay le jour dit,
c'est un Laurent Chatelain réjoui qui nous a accueillis : il revenait de Gagny
où il avait trouvé une variété ancienne de prunier de Gagny, qu'il rapportait
comme un trésor, impatient de vérifier l'origine et d'observer le comportement
de l'arbre.
Le métier de pépiniériste consiste à élever de jeunes
plants pour en faire des arbres de qualité et aussi à greffer et à multiplier
les plants. La boutique Chatelain du Thillay (Val d'Oise) n'est que la partie
émergée de l'iceberg.
Mais comment cette aventure a t-elle commencé ?
Laurent Chatelain est originaire d'une famille
d'agriculteurs présents sur la région de Gonesse depuis 250 ans. Le grand-père
de Laurent Chatelain avait une ferme de 35 ha avec un élevage de vaches.
Chacun enfant recevait un "crevard", un veau
chétif dont il était chargé de s'occuper. Si le veau survivait, l'enfant
gardait l'argent de la vente. C'est ainsi que Jean-Marie Chatelain, le père de
Laurent, accumule de quoi acheter les premiers arbres d'ornement de la
pépinière.
Nous sommes à la fin des années 60, époque à laquelle se
met en place un plan de réorganisation des techniques culturales. Les
enseignants horticoles font la promotion du métier de pépiniériste comme étant
un métier d'avenir. Jean-Marie Chatelain s'inscrit aux cours du soir de l'école
Du Breuil et son maitre de stage, M. Sirot, est justement
pépiniériste-paysagiste ... la voie est tracée !
Les premiers jeunes plants sont achetés à Orléans, et
occupent une surface de 2,5 ha qui viennent d'être achetés à la SAFER (gestion
des terres agricoles).
En 1999 l'exploitation s'agrandit : 75 ha
d'agriculture et 25 ha de pépinière. On y trouve essentiellement des arbres et
arbustes d'ornement, des conifères.
La partie arbres fruitiers démarre en 1998, lors du
rachat des pépinières Carnet qui arrêtent leur activité. La surface en
pépinières augmente encore de 25 ha sur des terres situées au Mesnil Amelot.
Les pépinières Carnet avaient un savoir-faire renommé
et avaient participé aux expositions universelles, notamment celle de 1880.
Avec la reprise du personnel, l'entreprise Chatelain hérite de ce savoir-faire,
et notamment le chef de culture Nicolas Avril.
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Après ses études de pépiniériste (BEPA et BTA au lycée
Fénelon à Vaujours, BTSA à Genech dans le Nord, ainsi qu’une formation de conseiller
technique en vente horticole à l’école TECOMAH de Jouy en Josas), Laurent
Chatelain est opérationnel dans l'entreprise familiale en 1997.
Laurent Chatelain se perfectionne dans l'art de la
taille de formation et prend contact avec les Croqueurs de pommes, le Potager
du Roi de Versailles, le Jardin du Luxembourg et la SRHM.
Il est passionné par l'histoire des fruitiers et
toujours en quête de variétés anciennes. Il fait partie des 10/15 pépiniéristes
en France spécialisés dans la production de fruitiers formés, et parmi eux, des
5 qui travaillent encore sur les variétés anciennes.
Former un fruitier n'est pas chose facile et concerne
aussi un autre métier, celui de forgeron, pour les armatures. Il faut trouver
la bonne personne et chercher avec elle l'armature qui sert le mieux la forme.
Pour les formes, Laurent Chatelain a aussi utilisé les
services d'un stagiaire des Beaux-Arts.
Parmi toutes les formes que propose Laurent Chatelain,
quatre d'entre elles posent l'image de marque de la maison :
- la pyramide ailée simple,
- la sphère à 8 bras,
- le vase Médicis, né il y a 8 ans et qui a l'agrément
du Potager du roi,
- le cordon double ellipse qui est encore en cours de
perfectionnement.
On peut notamment admirer ces formes au jardin Albert
Kahn à Paris et lors d’expositions.
Mais le métier de pépiniériste comporte d'autres
aspects.
Le transport peut s'avérer un challenge quand il
s'agit de livrer un "sujet remarquable" en convoi exceptionnel, comme
un hêtre pleureur de 25 ans, de 9 m de haut sur 2,50 m de large !
Transport d'un hêtre pleureur
Et oui, un bon pépiniériste se doit de disposer
d'arbres adultes qui se trouveront là au bon moment, avec le risque que ce
moment n'arrive jamais !
Et Laurent Chatelain ne ménage pas ses efforts pour la
communication. En 2014, on pouvait le rencontrer :
- à Courson où il a obtenu le prix de la presse et un
prix pour le "lonicera nitida Tidy Tips®" (sélection naturelle de chèvrefeuille
anglais naturellement en forme de boule, qui peut remplacer le buis sans en
avoir les inconvénients),
- à Saint-Jean de Beauregard où il a aussi été primé,
- à Borest, sur le thème de "l'automne au jardin"
où le stand a été primé,
- à Beauvais et Senlis,
Et il vient d'obtenir une médaille de bronze des
victoires du paysage.
Il organise chaque année une fête des fruitiers à la
Sainte Catherine, avec des cours de taille animés par François Moulin (Potager
du Roi). Une journée est proposée aux professionnels et la deuxième aux
particuliers, avec l'objectif de mettre la taille à portée de tous.
En 2011, Laurent Chatelain a succédé à son père en
tant que gérant de l'entreprise qui reste familiale.
Papa Chatelain n'est jamais bien loin. Corinne, la sœur
de Laurent, se consacre aujourd'hui à sa passion pour les chevaux mais elle a géré
la pépinière du Mesnil Amelot pendant plusieurs années. Christiane Chatelain,
la maman, fleuriste de métier, vient de passer le relais mais a, jusqu'à
présent, exercé ses talents dans la boutique, et la tante de Laurent tient la
caisse.
Les pépinières Chatelain sont aujourd'hui, avec 100
ha, les plus grandes d'Ile-de-France. Les 40 salariés se répartissent pour
moitié sur le secteur de production et pour moitié sur le secteur de commerce.
Les fruitiers, plantés en double espalier, occupent
moins de place que les arbres d'ornement qui nécessitent chacun 6 m2.
En ce moment, ce sont 15000 fruitiers de plus de 3 ans (300 variétés) et 250
variétés d'arbres et arbustes qui sont prêts à partir chez les clients.
80% des clients sont des professionnels ou des
collectivités. Il y a aussi des clients étrangers (Allemagne, Autriche,
Hongrie, Suisse, Angleterre) et bien sûr l'incontournable vente en ligne.
La partie agricole de la ferme existe encore avec 200
ha dédiés au blé, au maïs et à la betterave.
L'entreprise s'est organisée en SARL pour la vente et
en GIE pour les marchés publics de grande envergure.
Elle n'utilise pas d'engrais chimiques et le seul
arrosage que reçoivent les plants est celui du "plombage" (arrosage
au moment de la plantation pour tasser la terre).
Souhaitons à cette entreprise dynamique de poursuivre
son parcours. Pour cela, la relève est déjà assurée par les enfants de Laurent
: si Clémence (10 ans) suit la voie de sa tante Corinne en rêvant de chevaux,
Antoine (12 ans) sera pépiniériste ; Amaury (5 ans) également mais il sera
aussi sauveteur. C'est dit !
Propos recueillis par Sylvie Chiquer
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