
La
recherche du beau
fruit exceptionnel est la
règle à Montreuil. Il faut dire que le
fruit se vend à l’unité et que le
fruit de Montreuil se veut "de luxe".
Pour
obtenir de beaux fruits, les
arboriculteurs pratiquent avec rigueur
une opération qui s’appelle
l’éclaircissage. Quand, après la
floraison, plusieurs fruits se
forment, on n’en sélectionnera qu’un
seul afin qu’il profite seul de
l'afflux de sève.
Pour
aider la nature à produire de gros
fruits, on soutenait artificiellement
le fruit, pour éviter que son poids ne
tire sur le pédoncule et ne nuise
ainsi à l’alimentation du fruit (le
pédoncule est la partie qui relie le
fruit à l’arbre, une sorte de cordon
ombilical). Cette technique est
aujourd'hui pratiquée au japon pour
produire des fruits énormes à partir
de la variété Starkjumbo.
Les fruits étaient
entourés de soins extrêmes et les
ravages causés par la pyrale du pommier
et du poirier (le ver du fruit)
devenaient insupportables pour les
cultivateurs. Messieurs Chevalier et
Ménétrier eurent alors l'idée d'enfermer
les pommes et les poires dans des sacs
en papier. Ainsi, l'ensachage des fruits
naît à Bagnolet vers 1887.
Cette technique se développe rapidement
comme étant efficace pour lutter contre
les insectes, les maladies, la grêle et
la pluie. L’ensachage consiste à mettre
les fruits dans des sacs en papier au
tout début de leur formation. On ensache
les pommes, les poires, le raisin. Nous
n'avons pas d'information nous assurant
de l'ensachage des pêches.
L’ensachage
se fait, soit avec des poches en
papier, soit avec une feuille
pliée et accrochée sur le fruit avec
une épingle
de couturière. L’ensachage de la pomme
est
différent de celui de la poire. En
effet, le pédoncule de
la poire est plus long que celui de la
pomme. L’ensachage peut
donc se faire en enfermant la poire
dans le sac par son ouverture. Pour
la pomme, au contraire, afin de ne pas
bousculer le pédoncule,
il est recommandé de déchirer le sac
sur le coté,
de glisser le pédoncule dans cette
encoche, puis de refermer le
sac par le haut avec une épingle, un
brin de raphia ou un
élastique.
Outre
son rôle de protection, l'ensachage a
d'autres vertus. La peau du
fruit, n'ayant pas à se défendre,
reste fine et sans défaut. Les fruits
sont plus gros. Mais surtout
l'ensachage favorise la coloration.
Les
cultivateurs constatent que si l’on
prive un fruit du soleil pendant
toute sa croissance, sa peau devient
très sensible à la lumière. Une
variété de pomme qui, dans des
conditions normales, n'est que
rarement
colorée de rouge voit cette coloration
se développer plus facilement
grâce à la nouvelle technique de
l'ensachage.
Pourtant l'art
du coloris n’a pas attendu l’ensachage.
La recherche de la coloration et le
marquage existaient avant. Les
cultivateurs avaient remarqué qu'aux
halles de Paris, un fruit bien rouge se
vendait mieux qu'un autre (cela reste
vrai aujourd'hui). Les cultivateurs
cherchaient donc à provoquer une belle
coloration sur les pêches. Ils
utilisaient des sortes de seringues et
pratiquaient le « bassinage »,
c’est à dire qu’ils projetaient du
sulfate de fer sur les pêches
pour aider à la coloration. Cette
technique était aussi utilisée sur les
pommes Calville blanc et Api rose. En
1875, Hyppolite Langlois, dans son livre
"Montreuil aux pêches", parle du procédé
mis au point par Noël Vitry qui a eu
longtemps le monopole des "pommes
Calville à joue rouge".
Cette
pomme de couleur jaune était très
cotée en hiver et se vendait à des
prix exorbitants. Afin de rajouter
encore à sa valeur, M. Noël Vitry eut
l'idée de les colorer et les vendait
ainsi un tiers plus cher. Pour ce
faire, il prenait soin de ramener
toutes les feuilles possibles sur
chaque pomme afin de les protéger du
soleil. Malgré cela, si la peau
n'était pas assez “ sensibilisée
au soleil ”, alors il tournait la
queue du fruit sur un demi-tour et
bloquait le fruit avec du liège. Peu
avant la récolte, il retirait toutes
les feuilles autour du fruit afin de
l'exposer au soleil. En huit jours,
cette face bien protégée du soleil,
rougissait rapidement.
Les
fruits se vendent à l'unité. Il faut
dire que certaines pêches sont grosses
comme des petits melons et pèsent près
de 700 grammes. Certaines pommes,
telles que la Grand Alexandre et la
Calville, et poires, comme la Doyenné
du Comice, n'ont rien à leur envier.
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